Gubana, brioche aux fruits secs typique du Frioul |
Aujourd’hui nous allons dans le Frioul, au Nord Est de l’Italie, découvrir une fabuleuse brioche ultra gourmande qui cache en son coeur plein de trésors. Il s’agit de la Gubana, typique des vallées de Natisone, dans la province de Udine. Une brioche roulée comme un strudel en forme d’escargot et farcie de fruits secs. Elle vous attire comme un aimant, un peu dense, très parfumée, pleines de bonnes choses un peu douces, moelleuses, croustillantes à la fois…
C’est une brioche typique de Noël et de Pâques (et aujourd’hui préparée toute l’année) peu connue hors de la région et encore moins hors frontières italiennes.
Toujours un de ces pains riches en fruits et sucrés, typiques des moments de fêtes, que j’affectionne particulièrement.
La Gubana a plus de 600 ans ! Elle a été servie (la première fois ?) lors d’un banquet en honneur du pape Grégoire XII en 1409, durant sa visite à Cividale. Mais elle ne devient courante qu’au XVIIIème siècle. Encore aujourd’hui les familles se les échangent en signe d’amitié.
Son origine exacte donne lieu a quelques débats mais il semblerait qu’elle soit slave et puis précisément fruit de l’influence slovène (la porte à côté). En effet “guba” signifierait plié et de plus nous savons que le strudel du vient du Proche-Orient se transformant peu à peu pour arriver en Europe centrale. Ici la pâte est une brioche.
Il existe aussi, toujours dans la région, une autre Gubana (de quoi s’emmêler les pinceaux mais que voulez-vous la cuisine italienne n’est pas codifiée c’est ce qui fait son charme et la rend si vivante) des provinces de Gorizia et Trieste, où la farce est la même mais la pâte est feuilletée… un autre gâteau quoi.
Vous avez aussi toujours au Friuli Venezia Giulia, la Putizza qui se rapproche de la Gubana avec souvent une farce enrichie de chocolat et le Presnitz, d’origine viennoise, qui est une sorte de strudel de pâte feuilletée ou brisée avec une farce justement aux fruits secs.
La Gubana est une brioche gourmande, un vrai gâteau parfait pour le week-end, le petit déjeuner, le goûter… et si vous souhaitez rester sur le local vous pouvez (si vous êtes adultes et avec modération), la servir en versant dessus un peu d’eau de vie (surtout si elle n’est plus si fraîche). Cela vous rappelle sûrement l’origine du baba en partant du Kouglof ?
Si généreuse, elle apporte de la joie !
Gubana, brioche italienne aux fruits secs |
Gubana, brioche roulée aux fruits secs typique du Frioul, en Italie (pour 8 à 10 personnes, on peut aussi en réaliser 2 plus petites)
Préparation : 40 min (+ levée 4-5 h)
Cuisson : 50 min environ
Petit levain :
- 200 g de farine riche en gluten (dite de force et de qualité) : manitoba, gruau, une bonne T45… (voir mon article sur les farines pour brioches) + un peu
- 16 cl de lait à température ambiante (ou d’eau tiède)
- 4 à 6 g de levure sèche de boulanger (12 à 18 g de levure fraîche)
Pâte finale :
Petit levain ci-dessus +
- 300 g de farine riche en gluten ou 200 g de farine de force et 100 g de farine T65 ou d’épeautre T70
- 5 cl de lait
- 100 g de sucre + un peu pour badigonner (1 càs)
- 100 g de beurre mou
- 20 g de miel délicat
- 3 oeufs entiers (150 g sans la coque, s’ils sont bien grands n’en mettre que 2)
- 15 g de sel fin
- un jaune d’oeuf + un peu de lait pour la dorure
- le zeste fin d’un citron et d’une orange non traités
Farce (mieux vaut la préparer la veille) :
- 180 g de cerneaux de noix
- 130 g de raisins secs
- 100 g d’amandes entières (ou émondées)
- 100 g de noisettes
- 80 g de pignons de pin
- 70 g d’amaretti ou de biscuits secs ou, à défaut, de chapelure maison (dans ce dernier cas ajouter 1 càs de sucre)
- 60 g d’orange et de cédrats confits
- 10 cl environ d’eau de vie (ou de Marsala ou de rhum)
- 1 oeuf entier
- 4 càs de confiture d’abricots (plus traditionnel) (recette ICI) ou marmelade d’orange (recette ICI) ou 2 petites càs de miel délicat
- le zeste fin d’un citron jaune ou d’une orange non traités
1. Préparer la farce en premier (encore mieux si la veille). Tremper les raisins 20 min dans l’alcool. Pendant ce temps : couper les fruits confits en petits dés et les tremper avec le raisin, mixer grossièrement les noix, les amandes, les noisettes (on peut en laisser des demies), les pignons, les biscuits et les zestes d’agrumes. On doit obtenir une poudre grossière (pas trop fines avec encore des petits morceaux).
2. Mettre le mélange de fruits secs dans un saladier puis ajouter les raisins et les fruits confits avec l’alcool, incorporer la marmelade d’orange puis l’oeuf. On doit obtenir une sorte de pâte homogène et humide, un peu compacte (pas trop non plus, si besoin, ajouter encore un peu d’alcool). Couvrir de film alimentaire et conserver à température ambiante (s’il fait chaud, le mettre au frais mais le sortir après 40 minutes avant de l’utiliser).
3. Préparer la petit levain : dans un saladier ou la cuve d’un robot verser la farine, la mélanger à la levure puis ajouter l’eau. Mélanger quelques minutes (avec le crochet si besoin mais on peut très bien utiliser une cuillère) afin d’obtenir une pâte souple, légèrement collante mais qui se détache des parois. Former une boule et recouvrir le saladier de film alimentaire. Laisser lever dans un endroit tiède au moins une heure : la pâte doit doubler de volume et former des sortes de bulles.
4. Reprendre le petit levain et y ajouter le reste de farine, le miel, le sel, le lait, les zestes d’agrumes et le sucre. Commencer à mélanger puis incorporer un à un les oeufs. Travailler la pâte 5 à 10 minutes jusqu’à ce qu’elle devienne bien souple (un peu molle c’est normal) et se détache des parois.
5. Ajouter ensuite le beurre en 5 fois, peu à petit et ne rajouter le reste de beurre que quand la quantité précédente a bien été absorbée par la pâte. La pâte soit devenir très souple (au début elle sera collante c’est normal) et se détacher des parois. Il faut 5 à 10 min (voire un peu plus si l’on travaille à la main, dans ce cas il faut battre la pâte plusieurs fois sur le plan de travail en ajoutant le beurre puis la repliant). Si elle est vraiment trop molle (en principe non si on a utilisé une bonne farine et on a bien travaillé la pâte) ajouter 1 à 2 càs de farine (pas plus). Former une boule, recouvrir le saladier de film alimentaire et laisser lever dans un endroit tiède une heure environ puis mettre la pâte 30 minutes au frais avant de l’étaler.
6. Reprendre la pâte un peu fraîche, sur un plan de travail fariné, l’écraser légèrement avec les mains puis l’étaler en un rectangle de 50 x60 (1/2 cm d’épaisseur pas plus). Parsemer dessus des cuillères de farce (il faut qu’elle soit à température ambiante) puis l’étaler délicatement de manière homogène sur toute la surface en laisser les bords vides à 4 cm environ. Enrouler ensuite la pâte sur elle-même dans le sens de la longueur de manière à obtenir un long saucisson, l’étirer légèrement.
7. Poser du papier cuisson (ou beurrer) un moule rond de 22 cm, dans l’idéal en métal (aluminium par exemple) ou bien utiliser un moule à panettone ou un cercle haut à entremets. Rouler le saucisson de pâte en forme d’escargot en remontant un peu la première roulade et en fixant le dernier embout en dessous. Poser la gubana dans le moule et laisser lever dans le four éteint (éventuellement en ayant ajouté un bol d’eau chaude sur le fond) pendant au moins une heure voire deux. La brioche doit doubler de volume.
8. Mélanger le jaune d’oeuf avec 2 càs de lait et un peu de sucre puis badigeonner toute la surface de la brioche. La sortir du four et préchauffer celui-ci à 200°C statique.
Quand le four est chaud enfourner dans la partie basse pendant une dizaine de minutes puis baisser la température à 170°C et laisser cuire 40 à 50 minutes en vérifiant. Si la surface plus haute colore trop vite, la protéger ensuite avec du papier d’aluminium.
La brioche doit être bien gonflée, dorée (surtout sur le bas). Dans le doute la laisser encore 5 minutes. La sortir du moule et laisser tiédir sur un grille.
Déguster tiède ou à température ambiante.
Conseils :
– Conservation : la brioche, bien recouverte de film alimentaire, se conserve deux jours à température ambiante (voire un peu plus mais elle rassis). Elle est bien sûr meilleure le jour même (malheureusement c’était le soir et je n’ai pu la prendre en photo encore moelleuse). Pensez à la réchauffer légèrement avant de servir. Je pense qu’on peut aussi la congeler (une fois complètement refroidie) mais je n’ai pas essayé.
– Levée : il s’agit d’une brioche dense, à l’ancienne, un peu rustique et très savoureuse. Pour aider ce côté plus riche (notamment de la farce qui en plus est humide), on procède avec 3 levée. Notamment le petit levain va permettre de bien démarrer. La dernière levée (la plus délicate finalement puisqu’on ne sait pas ce qui se passe à l’intérieur 😉 est importante, la pâte doit doubler de volume. Pour ma part j’aurai dû peut-être la laisser un tout petit peu plus mais elle semblait déjà énorme.
Comme toujours les temps sont indicatifs ! Ils dépendent de la farine, si vous avez bien travaillé la pâte mais surtout de la température extérieure (qui ne doit pas être trop humide non plus). L’idéal est une levée autour de 25-26°C Sachant que ça lève assez bien à partir de 21°C et jusqu’autour de 30°C… mais bien sûr ce sera plus long dans le premier cas et plus rapide dans le deuxième. C’est pourquoi j’indique toujours l’aspect que cela doit avoir.
– Pour s’organiser sur deux jours : vous pouvez procéder sur deux journées. Préparez la farce la veille (d’ailleurs elle est encore meilleure) et faites lever le petit levain et puis mettez la deuxième pâte pour la deuxième pousse au frais, le saladier recouvert de film alimentaire. Ainsi le lendemain vous n’aurez qu’à la garnir, la faire lever à nouveau et la cuire.
– Pour s’organiser sur deux jours : vous pouvez procéder sur deux journées. Préparez la farce la veille (d’ailleurs elle est encore meilleure) et faites lever le petit levain et puis mettez la deuxième pâte pour la deuxième pousse au frais, le saladier recouvert de film alimentaire. Ainsi le lendemain vous n’aurez qu’à la garnir, la faire lever à nouveau et la cuire.
– Cuisson : la cuisson est longue du fait des dimensions (pour une première et prendre moins de risques vous pouvez préparer la moitié de la quantité et une gubana plus petite) et de la forme : le coeur doit cuire aussi. Par expérience je préfère toujours commencer par une cuisson un peu forte de manière à faire lever dorer et stopper la levée (le résultat est toujours meilleurs). Dans ce cas je baisse ensuite pour permettre une cuisson plus douce et plus longue. Là aussi les temps sont indicatifs, adaptez à votre four et baissez a température si votre four chauffe beaucoup habituellement.
– Recette : ainsi que vous pouvez l’imaginer, étant une recette qui a traversé les siècle et très ancrée dans la tradition qui se préparait avec ce qu’on avait, il existe nombre de petites variantes familiales ou locales. Le point de repère (pour cette version, typique des vallées de Natisone, en Province de Udine, Gorizia et Trieste la base est une pâte feuilletée) sont une pâte levée classique pas trop riche en beure (des fois il y a plus de lait et moins d’oeufs) et la farce à base de noix, raisins secs et pignons et bien sûr de l’eau de vie locale (grappa).
Il existe des recettes plus récentes (et plus compliquée) avec une pâte plus moelleuse. J’ai choisi de vous proposer quelque chose de plus simple et traditionnel.
Il existe des recettes plus récentes (et plus compliquée) avec une pâte plus moelleuse. J’ai choisi de vous proposer quelque chose de plus simple et traditionnel.
– Farce : à partir de là notamment dans la farce on ajoute des autres fruits à coque comme les amandes et/ou les noisettes, un ou plusieurs liants (oeuf, beurre, confiture ou miel) des fois des fruits confits (c’est plus récent mais cela se marie à merveille), de la chapelure ou des restes de biscuits (recyclage de restes qui permet d’absorber l’humidité), des épices mais pas toujours et en général de la cannelle (qui peut être remplacée par de la vanille ou des zestes d’agrumes). Des fois une partie des fruits à coque est remplacée par des figues ou des pruneaux (là aussi c’est plus récent). Sentez-vous donc libre d’interpréter tout en respectant les proportions et les textures, selon ce que vous avez dans le placard.
– Dorure : là aussi plusieurs options possibles. Je vous ai donné celle que je préfère mais certains le font simplement avec de l’oeuf et un peu de sucre et d’autres avec du blanc d’oeuf et du sucre.
Oh ! comme cette Gubana est tentante et son histoire si bien commentée ! merci de tous ces détails passionnants, Edda ; vous nous donnez vraiment l'envie de nous mettre au fourneau pour la réaliser . Bonne journée .
Oh la la, chère Edda, vous m'apportez la révélation sur le gâteau de Noël fétiche de ma grand-mère italienne, dont la famille était du Frioul, et qui est mon gâteau préféré entre tous ! On l'a toujours appelé "torta", tout simplement, et il n'est donc autre que la pulizza que vous évoquez ! Chez nous, donc, on la prépare avec une pâte plus frugale : de la farine et de l'eau dans laquelle on a fait tremper les figues.
Je suis tout émue de mettre un nom et une histoire sur ce qui est pour moi LE gâteau ! Merci !
Correction de ma mère : ce sont les pruneaux que l'on fait tremper, pas les figues 🙂
Elle est vraiment super gourmande cette brioche !
Voilà encore une recette que je garde soigneusement, j'ai trop envie de la tester!
Strepitosa 🙂
Bonjour Edda,
La Cubana ou Gubana ( dans le Frioul Natal de mes grands-parents j'ai toujours entendu les deux), est un gâteau plein de résilience pour moi. Il est synonyme de retour de vacances avec dans le coffre de la voiture plusieurs Cubana ou Cubanetto à rapporter en France pour le faire découvrir, ou simplement le manger pour retrouver un peu du Frioul familial.
Merci pour cette recette, je pense la tenter bientôt.
Et comme on le dit dans le Frioul :
Mandi e si iodin …
Bonne journée Edda.
Merci à vous Iza pour l'adorable message !