Gros sel de Trapani |
Si on y pense, le sel est une denrée alimentaire essentielle, belle et fascinante. Elle a été précieuse pendant des millénaires et encore aujourd’hui difficile d’imaginer la cuisine ou même la vie sans sel :-). Il conserve, exalte le goût…
Le sel de Trapani, intégral et totalement naturel est pour moi encore l’emblème de l’histoire du sel, en Italie. De l’ingéniosité des hommes, de leur efforts, leur fatigue terrible, et une ultime trace de ce qui se faisait il y a des siècles.
Lors de mon voyage en Sicile, j’ai tenu à aller visiter les marais salants au sud de Trapani, dans la réserve naturelle de Trapani et de Paceco, pour en savoir un peu plus mais surtout car attirée par ces paysage, plats, calmes, étranges et hors du monde et du temps avec les moulins dormants. Je n’ai pas été déçue, tant pour l’atmosphère particulière (commune à toutes les salines du monde d’ailleurs) mais surtout parce que j’ai un appris un tas de petites choses que je partage aujourd’hui avec vous.
Le sel de Trapani est un sel intégral et goûteux qui est récolté depuis des millénaires. Il est très connu en Italie (un peu comme la fleur de sel de Guérande, île de Ré ou de Nourmoutier par exemple) moins à l’étranger, comme sel de luxe (même s’il n’est pas particulièrement cher) utilisé surtout dans la haute gastronomie. Bien entendu j’en ai acheté, l’utilise avec joie surtout dans mon pesto et ses cristaux d’un blanc pur me font penser à ses marais salants.
La meilleure période pour les visiter (c’est aussi la plus torride) est l’été car il ne pleut pas, l’eau s’évapore et il y a une sorte de réverbère qui crée une lumière particulière, presque rose. La fin août, période de la récolte, est aussi très intéressante.
Plus bas, vous avez des photos du printemps, fascinant aussi avec son vent frais et ses étendues limpides sous le bleu. Voici donc quelques infos sur ce sel, son histoire et le fonctionnement des salines. Il y a toujours une histoire derrière un produit, c’est ça aussi que j’adore dans l’univers de cuisine.
CARACTÉRISTIQUES DU SEL DE TRAPANI
Le sel des marais salants qui s’étend de Trapani à Marsala est un sel encore fabriqué et cultivé à l’ancienne, sans aucune transformation. Il s’utilise ainsi après l’avoir fait sécher à l’air libre sous des tuiles.
Il est donc intégral, très riche en nutriments et bien salé. Il est naturellement très blanc tout simplement car à cause du climat aride (il ne pleut presque pas l’été), l’eau s’est évaporée et lors de la récolte il ne se mélange pas au sable.
Unique, précieux, au faible rendement, il est désormais surtout utilisé par des Chefs étoilés et vendus dans certains magasins bio.
Par ailleurs, l’eau particulièrement riche en nutriments végétaux et le milieu totalement naturel, en a fait une grande attraction notamment pour les oiseaux lors de leur reproduction. Au point que cette zone est devenue la réserve naturelle de Trapani et Paceco, protégée par le WWF (dont le siège est à Nubia, d’ailleurs vous pouvez y passer, vous y trouverez en saison de l’ail rose et doux délicieux, l’aglio di Nubia). Apparemment même les poissons que l’on y pêche à la main sont très bons mais… presque tous sont mangés par les oiseaux 🙂
Marais salants à Trapani |
HISTOIRE et ORIGINES
L’histoire de ces marais salants dont les paysages sont fascinants et un peu lunaires, remonte au temps des Phéniciens (c’est loin) et de la découverte de l’importance du sel pour conserver les denrées alimentaires. Mis à point par les Normands qui introduirent le monopole d’État du sel, ils furent ensuite libéralisés et la production arriva à son apogée pendant la domination Espagnole.
Ils ont été construits dans cette zone pour différentes raisons : la présence la mer évidemment, du port de Trapani, la terre plate (qui permet de bien construire les bassins), la zone marécageuse, le climat très ventilé (essentiel pour les moulins de l’époque) et pour son climat aride (sécheresse). Les faibles précipitations en été facilitaient le travail car l’eau des bassins s’évaporait et on se retrouvait donc avec de gros blocs de sel.
L’exploitation, comme toujours, a subi des hauts et des bas au cours des siècles, d’autant plus que la denrée était très précieuse. Lors de la visite on nous a raconté que d’abord le sel était commercialisé dans les alentours et ensuite dans toute la zone Méditerranéenne jusqu’à aller en Scandinavie. En effet les Nordiques et les Vikings 😉 en avaient besoin pour la salaison de leurs poissons d’eau froide dont la morue… Et ironie du sort, la morue salée est devenue un des aliments phares italiens (mais pas que, il suffit de penser au Portugal).
Les marais salants (un peu modernisés quand même), après un bref abandon après la deuxième guerre mondiale (du à la grande concurrence des salants industriels) fonctionnent encore aujourd’hui. La zone est protégée et le produit est devenu de niche.
MARAIS SALANTS : COMMENT ÇA MARCHE ?
Le principe comme vous pouvez l’imaginer est celui des créer des bassins plus ou moins profonds où va stagner l’eau de mer et qui permettra le temps venu de récolter le sel.
Il y a donc d’abord un canal qui permet de canaliser 😉 l’eau de mer et la faire arriver dans deux grands bassins carrés assez profonds (plusieurs mètre) appelés les fridde (froid: à cause la température de l’eau). À l’orée de ce bassin, était placé un moulin (du style Hollandais aujourd’hui c’est le moulin américain) avec uns vis d’archimède qui a pour rôle de faire remonter l’eau dans un réservoir (vasu cultivu) et si besoin dans les autres bassins moins profonds. Sous l’eau, il y a aussi un grille qui va permettre de ne pas faire passer les poissons (du moins les plus gros). Ensuite l’eau passe dans un autre bassin la ruffiana (qui signifie entremetteuse ;-), moins profond, donc plus chaud et concentré en sel.
Ensuite l’eau passe encore dans deux autres bassins (de moins en moins profonds) : le caure et sintine. Pour enfin arriver dans les bassins salants les casseddri haut de 30 cm. Ici l’eau est basse, chaude et très concentrée en sel… du coup elle s’évapore facilement en laissant une couche de sel, facile à récolter.
Les moulins servaient non seulement à donner la force pour transvaser l’eau mais également à moudre le sel. En effet sous les moulins étaient placées des très anciennes grosses meules en pierre qui doucement écrasaient le sel. C’était long et fastidieux mais le résultat était impeccable. Il existait aussi des meules en métal (type américain) plus efficaces mais le problème c’est que le sel attaque le métal : il suffisant donc de quelques jours de repos pour que le tout s’oxyde et le sel ressorte… marrons ;-). Il n’était pas commercialisable et il fallait en jeter près de 200 kg avant de retrouver sa blancheur et une production normale. Cette meule a donc été abandonnée.
RÉCOLTE DU SEL
La récolte et le transport du sel se faisait à la main vers fin août quand la pluie s’était faite un peu oublier pendant presque 3 mois et l’eau s’est donc évaporée. Aujourd’hui la récolte se fait encore manuellement, la différence c’est que le sel n’est plus transporté dans des seaux de 30 kg par des hommes (quel travail sous le soleil cuisant en plus) mais est acheminé sur terre sur des tapis roulants puis posé en tas.
Bien entendu, c’est et c’était une activité très saisonnière qui emploie plusieurs dizaine de personnes chargée de casser la croûte de sel de manière à faire évacuer l’eau restante.
Le sel est ensuite posé le long des bords des bassins en petits tas et ensuite en gros tas sous des tuiles qui vont permettre de le protéger tout en le faisant sécher à l’air libre (la pluie ne pose pas de problème car elle va emporter les impurités). C’est le paysage que l’on voit le plus jusqu’au printemps.
Article très intéressant qui m'a rappelé ma visite à l'île de Ré…pratiquement mêmes vues…même méthode…Je note que comme à Ré, il est recommandé d'utiliser le sel quand il est bien gris…bien rustique…plein de bons nutriments, lors de cette visite j'avais posé la question concernant la fleur de sel. Il m'a été fait cette réponse : pourquoi vouloir le dessus qui est lavé à l'eau de pluie, à la pollution alors que dessous, bien gris, bien humide…il est tellement meilleur ! je note que celui-ci est d'une pureté magnifique…j'aimerais goûter…vraiment ! belle journée et merci Edda !
Merci pour ton message et belle journée à toi aussi !!
Great reportage!
Thanks!
Tu me fais penser que j'en ai rapporté de Trappani du Sel et que je vais le ressortir.
En tout cas c'est un des endroits de Sicile qui nous a le plus plu.
Bises
et en décembre, il y a des flamants roses !
C'est vrai ! Il paraît qu'ils mangent tous les bons Cefali 😉
Mille mercis pour toutes ces explications. Je viens de les visiter …mais la visite était en italien !
De rien, avec plaisir !